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Anthony Maurin

30-04-2014

anthony-maurinLa narration d'une anecdote rendant hommage à untel plutôt qu'à un autre me met dans l'embarras le plus total car cela me semble bien trop arbitraire. Alors, je vais imaginer l'humilité et la peine, les honneurs et les joies, car ici, tout peut se passer...

Il faut dire que l'histoire est aussi vieille que la tauromachie et qu'elle évolue sans cesse!

La cavalerie est une troupe d'élite. C'est un véritable Barnum avec une notion de "saltimbanquisme" aigue. Mais c'est aussi une formidable machine de guerre.

Quand l'unité d'élite arrive aux arènes, la tension est pesante car ce qui se joue ce soir est attendu depuis des années voire des décennies.

Des semaines et des semaines de dressage, de répétition des gammes, d'entretien du matériel, d'amour entre chevaux et Hommes, de voyages insensés à travers les routes françaises ou espagnoles quand elles ne sont pas catalanes ou basques, de sacrifices exécutés sur l'autel de l'aficion pour n'être qu'assimilé à la fonction de torero.

pique-daxMais pour que le spectacle vivant de la corrida nous fasse frissonner, tant de paramètres sont à confier à trop de hasard... Parfois, tout se peut jouer sur ce petit rien qui fait s'effondrer le travail d'une saison. Une goute d'eau, un rayon de soleil, un coup de corne. Parlons de cette corne, parlons de l'arme qui peut anéantir le rêve. Un cheval transpercé et c'est le drame, d'autant plus au sein de la cavalerie dont le propriétaire porte les gènes du grand sauveur de la cause chevaline. Chirurgiens de guerre avant l'invention du caparaçon et trop souvent ignorés, les petites mains aux chemises rouges prennent soin de leur grande cavalerie qui est leur trésor.

saintes-maries-dela-merMais le cheval, si précieux est-il devenu, m'importe moins que la chemise rouge qui s'agite à ses pieds et qui risque bien plus que lui car le kevlar ne le protège pas encore! Loin de n'être que des singes savants comme leur accoutrement pouvait autrefois le suggérer, il sont là, fièrement plantés tels le Sancho Panza d'un Don Quichotte se frottant à des cornes plus acérées que les ailes d'un pauvre moulin en décrépitude. Ce loyal serviteur, ce mozo de caballos, murmure à l'oreille des montures pour les rassurer, il leur signifie à tout moment leur position en piste, ils sont les chiens de ces chevaux aveugles et mènent cette statue ambulante vers la sécurité et la beauté du geste. Alors que faire quand le pire se passe? Rien. Tout. Espérer.
La vie des membres d'une cavalerie n'est pas au triomphe tous les jours et, derrière les sourires de courtoisie que l'on peut lire à quelques minutes du paseo, se cachent des peurs éphémères mais bien réelles. La vie des chevaux dressés, celles des personnes qui les montent, celles de ceux qui sont à leur côté quand le toro est au plus proche de leurs côtes. Rien n'est léger dans ce monde où l'animal et l'humain luttent tous deux pour leur survie.


Cavalerie-philippe-heyralAlguazils, monosabios, arrastres, bénévoles en tout genre et bien sur le patron sont en tournée toute l'année. Cette cordée tient les rênes et veille au bon fonctionnement de ce que nous aimons. Soyons moins ingrats avec eux et parfois, murmurons leur existence merveilleuse au fil des pages, des discussions de comptoirs ou des tertulias!
Le cheval, son cavalier, la pique, le toro et le reste qui peut paraître insignifiant lorsque l'on n'a pas les clés bien utiles au déchiffrage de ce mystère qu'est la corrida.
Le picador a eu pendant de longues années le rôle le plus ingrat de la tauromachie devant le ganadero qui précédait déjà ceux de l'ombre.
Le picador, depuis qu'il ne perd plus six montures par corrida après d'âpres discussions cornues, est devenu une icône que l'on érige sur son canasson telle une statue divine. Il bénéficie du fait qu'il ne laisse jamais personne indifférent. La gloire est là et le levé de castoreño en est le charmant symbole.

Le ganadero, avec les avancées de la génétique, de la médecine, de la nutrition et de tant d'autres choses, peut à présent se consacrer pleinement à sa passion réelle et ne prendre que le bonus des moments passés en piste durant lesquels ses pupilles se sont bien comportées. La gloire est là et le sempiternel tour de piste l'approuve dignement.


monte-a-chevalPar contre, il existe une curiosité que peu de spectateurs voient au détour d'une course de toros. D'étranges petits personnages discrets que l'on ose oublier mais qui pourtant, sont nécessaires au bon déroulement de ce qui va suivre...
Une corrida est faite de lumières mais aussi d'ombres. La lumière du soleil qui brûle le sable et le cuir, celle des paillettes dorées qui sublime les adonis ou encore celle du tabac rouge feu duquel s'échappent des volutes flamencas. Le décorum est ainsi planté.
habillageMais l'ombre pèse dans le silence des coulisses. L'ombre de la mort plane sur chacun des acteurs et le respect demeure. L'oubli des chiqueros est total mais quand celui qui s'évade du bout d'un tunnel bimillénaire frappe la rétine aveuglée par l'obscurité naissante, la peur vous attrape. La noirceur des regards baigne l'habileté de celui qui sera derrière le picador et sa garroche quand le tonnerre s'abattra. Le décorum est ainsi caché.
La corrida naît donc d'un subtil et parfait équilibre... En réalité? Pas tout à fait car nous oublions les marionnettes qui s'agitent et qui tirent les ficelles dans l'arrière boutique. Voici des personnages discrets et curieux.

Les badauds pourront les observer tranquillement une paire d'heures avant chaque corrida, dans les coins les plus retirés de Camargue, chez nos voisins du sud-ouest ou encore à Nîmes ou dans ses environs très proches, là où tout a commencé.

brindisBref, si vous ne les voyez pas, c'est que vous êtes aveugles! C'est vrai qu'ils y mettent du leur pour ne pas se faire remarquer afin de se fondre au mieux dans le décor, mais je vous demande plus d'attention. Ils arborent de pittoresques tenues aussi rouges que des muletas et portent des jeans bleus de Nîmes, logique quand on connaît la provenance de ces ces petites fourmis...

Chacun a son rôle et tient le secret d'une énigme dans son savoir-faire. Chacun forme l'unité, la masse, l'idée, la réactivité, la créativité, la force, la fragilité, la sensualité, la rudesse, l'hardiesse, l'ordre et la sincérité dans l'œuvre. Mais ils restent des ombres parmi les lumières.


paseoDes applaudissements si rares que quand ils pleuvent, ils sont pris par ces personnages à la hauteur de leur véracité. Des cris d'effroi qui, lorsqu'ils tombent sont comme des couteaux qui vous transpercent une deuxième fois alors que vous avez eu la malchance de faire votre travail quand le toro fondait sur vous. Ces cris sont bien trop souvent suivis des applaudissements susnommés. Ici, tout se paye, on ne court pas après la gloriole ni devant un toro qui lui, peut être applaudi à titre posthume. On ne fait pas les choses pour l'éphémère mais pour la durée. On ne dispute que de douces batailles avec l'honneur des grandes guerres. Ceux de l'ombre veulent y rester mais leur lumière éclatera un jour aux yeux de tous comme elle inonde à présent la vie des picadors et des ganaderos...

Enfin quand tout ira bien dans le meilleur des mondes !